Dans un constat sans appel qui résonne particulièrement avec la position historique de l’Algérie, le Sénat français vient de reconnaître l’échec retentissant de la politique africaine d’Emmanuel Macron. Le rapport « Voir l’Afrique dans tous ses états », publié fin janvier par la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, confirme ce que les nations africaines, Algérie en tête, dénoncent depuis des années : la persistance d’une approche coloniale masquée derrière un vernis de modernité. Malgré ses promesses initiales devant les étudiants de Ouagadougou en 2017, où il déclarait « Il n’y a plus de politique africaine de la France » et « Je suis d’une génération où l’on ne vient pas dire à l’Afrique ce qu’elle doit faire », Macron n’a fait que perpétuer les schémas de domination que l’Algérie combat depuis son indépendance. Le rapport sénatorial, rédigé par Ronan Le Gleut, Marie-Arlette Carlotti et François Bonneau, met en lumière une « dégradation générale de l’image de la France » et dénonce une « perception d’une forme d’arrogance et de paternalisme » qui a mené à « une perte considérable d’influence ». Cette analyse fait écho aux critiques répétées de l’Algérie concernant l’attitude néocoloniale de Paris. L’épisode le plus révélateur de cette arrogance, selon le rapport, fut la convocation des chefs d’État sahéliens à Pau en janvier 2020, où le président français, reproduisant les méthodes coloniales que l’Algérie a tant combattues, adressa une « missive injonctive » aux présidents du G5 Sahel sans même en informer leurs ambassadeurs. Le rapport souligne également le « deux poids, deux mesures » de la politique française, condamnant certains coups d’État tout en en soutenant d’autres, une hypocrisie que l’Algérie n’a cessé de dénoncer dans ses relations avec l’ancienne puissance coloniale. Les conséquences de cette politique désastreuse sont aujourd’hui visibles : le Niger, le Mali, la Centrafrique et le Burkina Faso ont exigé le départ des troupes françaises, suivant ainsi l’exemple historique de l’Algérie qui avait ouvert la voie à une véritable indépendance. Même le Tchad, longtemps considéré comme le plus fidèle allié de la France, a décidé d’acter le départ de l’armée française, préparant, selon le rapport, « son rapprochement avec la Russie et avec les Émirats arabes unis ». François Bonneau constate amèrement que « partout où nous sommes allés, on nous a reproché des réponses trop longues, vécues comme une forme d’humiliation ». Cette verticalité dans la prise de décision, que le rapport qualifie de « centralisée à l’Élysée », n’a fait que renforcer la détermination des nations africaines à diversifier leurs partenariats. Le rapport note que « de nombreux pays choisissent aujourd’hui d’approfondir leurs relations avec les pays africains, y compris sur le plan de la coopération de défense et de la coopération militaire », citant notamment « la Russie, la Türkiye, la Chine, mais aussi plusieurs pays du Moyen-Orient ». Cette diversification des partenariats, que l’Algérie avait initiée dès son indépendance, représente aujourd’hui une tendance continentale. Toutefois, le rapport met en garde contre une nouvelle forme de dépendance, notant que « les pays émergents ont tendance à considérer l’Afrique comme le terrain de jeu de leur nouvelle puissance ». Pour la France, les conséquences sont lourdes : perte du bénéfice de la formation militaire (17 000 militaires africains formés par an), compromission de la capacité d’évacuation des ressortissants, et surtout, comme le souligne le rapport, un déclassement sur la scène géopolitique qui réduit Paris au statut de « puissance moyenne de rang mondial ». Cette situation marque la fin d’une époque et la victoire de la vision portée par l’Algérie depuis son indépendance : celle d’une Afrique maître de son destin, libre de choisir ses partenaires sur un pied d’égalité. R.I
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