L’annonce de la création d’une agence de notation africaine marque un tournant décisif pour le continent. Cette initiative, saluée par les experts, vise à établir un système d’évaluation autonome des économies africaines, permettant de s’émanciper des agences occidentales traditionnelles, souvent pointées du doigt pour leur « subjectivité et partialité ».
Lors du 34e sommet des chefs d’État et de Gouvernement du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP) à Addis-Abeba, le président de la République Abdelmadjid Tebboune, en sa qualité de président du MAEP, a souligné que cette agence continentale « représente un nouveau jalon pour le développement de l’économie de l’Afrique et aura un impact entièrement positif pour ses pays ». Il a particulièrement insisté sur la nécessité de « nous éloigner des évaluations non scientifiques, illogiques et antiéconomiques », ajoutant que « nous devons faire notre propre évaluation avant d’être évalués par les autres ».
L’expert financier Chaabane Assad souligne que cette initiative revêt « une importance capitale » tant sur le plan économique que géopolitique. Il met en lumière la problématique des notations défavorables attribuées par les trois principales agences mondiales (Fitch, Standard & Poor’s et Moody’s) aux pays africains, entraînant des taux d’emprunt prohibitifs sur les marchés internationaux. Ces conditions pèsent lourdement sur les finances publiques africaines, avec un service de la dette représentant plusieurs milliards de dollars.
Nazim Sini, enseignant en sciences économiques, voit dans cette agence un moyen de « rompre avec le monopole des trois grandes agences occidentales » dont les évaluations des risques pays sont, selon ses termes, « parcellaires, orientées et partiales ». L’originalité de cette nouvelle approche réside dans sa capacité à intégrer les spécificités africaines et à reconnaître les efforts des États en matière de réformes économiques, de développement des infrastructures technologiques et de digitalisation.
Pour Idir Saci, expert bancaire, cette initiative renforcera « l’autonomie et la souveraineté du continent ». Il met l’accent sur l’importance de la « crédibilité et de la transparence » dans le fonctionnement de l’agence, préconisant une structure centralisée pour garantir « cohérence et rigueur » dans son travail.
Les experts s’accordent sur le potentiel de cette agence à « dynamiser le marché financier commun » africain. Elle devrait contribuer à maintenir les capitaux sur le continent, favorisant ainsi une croissance partagée et réduisant la dépendance aux financements occidentaux. La mise en place de filiales dans plusieurs pays est recommandée pour limiter le recours aux agences étrangères et instaurer un climat de confiance sur le marché financier africain.
Cette nouvelle agence de notation s’inscrit dans une démarche plus large d’intégration économique continentale. Elle devrait permettre aux pays africains de mieux négocier leurs emprunts et d’exercer un meilleur contrôle sur leur dette. À terme, l’objectif est d’établir les bases d’une harmonisation des évaluations économiques et institutionnelles sur le continent, avec la perspective de créer des antennes locales pour un suivi efficace des économies nationales et de leurs particularités.
La création de cette agence représente ainsi une étape cruciale vers une plus grande autonomie financière de l’Afrique, offrant aux États du continent les moyens de reprendre le contrôle de leur notation et, par extension, de leur destin économique. R.N
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