Face aux tensions croissantes avec le Mali, l’Algérie a pris ce lundi 7 avril 2025 une série de mesures diplomatiques et sécuritaires fermes en réponse aux accusations lancées par Bamako et ses alliés de la Confédération des États du Sahel (CES). La décision la plus marquante est la fermeture immédiate de l’espace aérien algérien à tous les aéronefs en provenance ou à destination du Mali, une mesure confirmée par le ministère algérien de la Défense nationale dans un communiqué officiel. « Face aux violations répétées par l’État du Mali de notre espace aérien, le Gouvernement algérien a décidé la fermeture de ce dernier à la navigation aérienne en provenance ou à destination de l’État du Mali, et ce, à partir d’aujourd’hui 07 avril 2025 », précise le texte. Cette décision intervient dans un contexte de grave détérioration des relations entre les deux pays voisins suite à plusieurs incidents frontaliers, dont le dernier en date concerne la destruction d’un drone malien par les forces de défense aérienne algériennes. L’incident survenu dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2025 a déclenché une crise diplomatique majeure, le Mali accusant l’Algérie d’agression, tandis qu’Alger justifie son action par une violation caractérisée de son espace aérien. Dans un communiqué détaillé publié par le ministère des Affaires étrangères, l’Algérie exprime sa « grande consternation » concernant les déclarations du gouvernement malien de transition et celles émanant du collège des Chefs d’État de la CES, qui regroupe également le Niger et le Burkina Faso. Le texte algérien rejette avec véhémence ce qu’il qualifie « d’allégations mensongères » visant à faire de l’Algérie un « bouc émissaire » pour les échecs internes du régime malien. « L’Algérie rejette avec force cette tentation présente dans toutes les attitudes malveillantes et systématiquement infondées par lesquelles la junte des putschistes qui sévissent au Mali tente vainement de faire de notre pays un bouc émissaire aux revers et aux déboires dont le peuple malien paye le prix le plus lourd », affirme le communiqué algérien. Avec un ton particulièrement sévère, Alger dénonce « l’échec de cette clique inconstitutionnelle » qui serait selon elle « patent à tous les niveaux, politique, économique et sécuritaire ». Le gouvernement algérien va jusqu’à affirmer que les dirigeants maliens actuels privilégient « la satisfaction d’ambitions personnelles au prix du sacrifice de ceux du Mali » et se livrent à « la prédation des maigres ressources de ce pays frère aux dépens de son développement ». Concernant l’incident du drone, l’Algérie maintient sa position et fournit une chronologie précise des événements. Le ministère algérien de la Défense affirme disposer de toutes les preuves, notamment des images radar, établissant « clairement la violation de l’espace aérien de l’Algérie » lors de cette nuit du 31 mars au 1er avril. Selon Alger, le drone malien aurait pénétré de 1,6 km dans l’espace aérien algérien à minuit huit minutes, avant de s’éloigner puis de revenir « en prenant une trajectoire offensive », un comportement qualifié « d’hostilité caractérisée » justifiant sa destruction. Le communiqué précise qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé mais de « la troisième violation en l’espace de quelques mois », les deux précédentes étant survenues le 27 août et le 29 décembre 2024. L’Algérie répond également aux accusations de collusion avec des groupes terroristes formulées par Bamako, les jugeant si peu sérieuses qu’il serait « superflu de leur prêter attention ». Le texte rappelle l’engagement historique d’Alger dans la lutte antiterroriste et retourne l’accusation contre la junte malienne, lui reprochant son « incapacité à assumer la lutte anti-terroriste réelle et effective, au point d’en confier la gestion au mercenariat dont l’Afrique a tellement pâti dans son histoire récente », une allusion à peine voilée à la présence de mercenaires russes du groupe Wagner, rebaptisé Africa Corps, au Mali. Sur le plan diplomatique, Alger ne s’est pas limité à des déclarations. Le gouvernement algérien a annoncé le rappel « pour consultation » de ses ambassadeurs au Mali et au Niger, ainsi que le report de la prise de fonction de son nouvel ambassadeur au Burkina Faso. Ces trois pays forment la CES, une alliance de juntes militaires arrivées au pouvoir par des coups d’État ces dernières années. L’Algérie regrette « profondément l’alignement inconsidéré du Niger et du Burkina Faso sur les thèses fallacieuses présentées par le Mali » et condamne « le langage outrancier et injustifié » utilisé à son égard. Cette crise marque une nouvelle détérioration des relations entre l’Algérie et ses voisins du Sud, particulièrement depuis que la junte malienne a dénoncé unilatéralement en janvier 2024 l’Accord d’Alger, signé en 2015 pour la paix et la réconciliation au Mali, qui avait été parrainé par l’Algérie. La fermeture de l’espace aérien algérien au Mali représente une escalade significative qui risque d’isoler davantage ce pays enclavé et de compliquer ses liaisons aériennes internationales, puisque plusieurs routes passent traditionnellement par l’espace aérien algérien. Cette mesure, conjuguée aux rappels d’ambassadeurs, témoigne de la détermination d’Alger à ne pas laisser sans réponse ce qu’elle considère comme des provocations de la part du régime malien et de ses alliés de la CES. A.B

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