L’Afrique se trouve à un carrefour crucial. D’un côté, elle possède un vivier exceptionnel d’entrepreneures dynamiques. De l’autre, un déficit de financement colossal freine leur potentiel. Dolika Banda, ambassadrice mondiale à GSG Impact et présidant le conseil d’administration de la Standard Chartered Bank Zambia est experte en finance du développement, souligne cette réalité paradoxale dans son analyse percutante.
« En Afrique, les femmes sont cinq fois plus à courir le risque de lancer une entreprise que les Européennes, le taux d’entrepreneuriat féminin atteignant 26 % en Afrique subsaharienne », rappelle Banda. Pourtant, malgré ce dynamisme, le continent fait face à un déficit de financement vertigineux de 42 milliards de dollars pour les entreprises dirigées par des femmes, selon la Banque africaine de développement.
Cette situation n’est pas seulement injuste, elle est économiquement contre-productive. L’experte met en lumière un fait saisissant : « En Afrique, les femmes réinvestissent d’ordinaire 90 % de leurs revenus dans l’éducation, la santé et l’alimentation de leur famille et de leur collectivité, par rapport à 40 % pour les hommes ». Ce réinvestissement massif crée un effet multiplicateur sur le développement économique et social.
Alors, pourquoi ce paradoxe persiste-t-il ? Banda pointe du doigt un obstacle majeur : la perception du risque. Elle cite une étude révélatrice : « Les investisseurs préfèrent miser sur des personnes qui leur ressemblent et qui parlent le même langage qu’eux. » Or, avec seulement un tiers des sièges aux conseils d’administration des grandes institutions financières occupés par des femmes, les biais inconscients persistent.
Pour briser ce cycle, Banda appelle à une refonte urgente des approches de financement. Elle plaide pour un « recadrage du discours » afin de révéler le véritable risque, celui de ne pas tirer parti du potentiel immense des femmes entrepreneures africaines.
Des solutions innovantes émergent, fonds d’investissement dédiés, programmes de mentorat, plateformes de financement participatif ciblées, et utilisation des technologies financières pour un accès plus inclusif au crédit. Ces initiatives doivent être amplifiées et systématisées.
Dolika Banda lance un appel pressant, « Tant les institutions de finance de développement que les sociétés financières privées doivent commencer à être à la hauteur des ambitions, de l’ingénuité et de l’engagement de ces femmes. » L’enjeu dépasse largement la simple équité de genre. Il s’agit de libérer un potentiel économique colossal, capable d’accélérer la réalisation des Objectifs de Développement Durable et de propulser l’Afrique vers une croissance inclusive et durable.
L’heure n’est plus aux déclarations d’intention, mais à l’action concrète et innovante. Le futur de l’Afrique et peut-être du monde en dépend. R.E
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