Procédure de destitution contre Macron : un geste symbolique

Le bureau de l’Assemblée nationale française a validé mardi 17 septembre une procédure de destitution visant le président Emmanuel Macron, initiée par le Nouveau Front populaire (NFP). Cette décision, qualifiée d' »événement inédit dans l’histoire de la Ve République » par Mathilde Panot, cheffe du groupe La France insoumise, marque une première étape dans un processus complexe et hautement improbable.

Le vote, passé à douze voix contre dix, reflète la majorité du NFP au sein du bureau. C’est la première fois qu’une telle procédure franchit cette étape sous la Ve République. Il y a dix ans, une proposition similaire contre François Hollande avait été rejetée dès ce stade.

Guillaume Tusseau, professeur de droit public à Sciences Po et spécialiste du droit constitutionnel, explique le fonctionnement de cette procédure : « C’est à l’initiative des parlementaires, soit de l’Assemblée, soit du Sénat. C’est une procédure purement politique, elle ne fait pas du tout intervenir de juge, de magistrat, ou de Cour de justice. »

La proposition doit maintenant être examinée par la Commission des Lois de l’Assemblée nationale dans un délai de 15 jours. Cependant, les chances que cette procédure aboutisse sont extrêmement minces. Tusseau souligne : « Il faut que les deux tiers de l’Assemblée soient pour. Il s’agit des deux tiers des membres, pas seulement ceux présents le jour du vote. On part donc sur la base des 577 députés qui constituent l’Assemblée nationale. C’est la majorité la plus forte qui soit exigée dans la Constitution. »

Le NFP justifie cette action en accusant le chef de l’État de mener un « coup de force anti-démocratique », notamment en raison de l’attente prolongée pour la formation d’un nouveau gouvernement. Cependant, la plupart des groupes à l’Assemblée, y compris certains au sein du NFP, s’opposent à cette démarche. Les socialistes ont déjà annoncé qu’ils ne voteraient pas en faveur du texte.

La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a vivement critiqué cette initiative, estimant que la majorité de gauche au bureau « a fait le choix d’un détournement de la règle de droit » et que cela « conduit à un affaiblissement grave de nos institutions ».

Tusseau analyse les motivations potentielles derrière cette action : « C’est un acte de politique politicienne au sens très médiocre, parce que c’est juste faire de l’agitation, faire du buzz. Mais on peut aussi considérer que c’est un acte politique au sens plus noble et au sens symbolique. » Il ajoute que LFI estime que le président « n’a pas pris en compte le résultat des élections législatives et qu’il viole les devoirs d’un chef d’État dans un régime parlementaire ».

Concernant l’impact sur la popularité de Macron, Tusseau estime qu’il sera probablement limité : « Ce sera le premier président contre qui une procédure de ce type-là a été engagée et de cette façon-là. Ça ne va pas renforcer sa popularité en disant à quel point il est maltraité par des partis comme LFI, mais ça ne va pas l’affaiblir non plus. »

Le processus de destitution en France diffère de l’impeachment aux États-Unis. Tusseau explique : « Aux États-Unis, la procédure est différente parce que les tâches des deux chambres ne sont pas les mêmes. La Chambre des représentants vote l’impeachment qui est la mise en accusation et le Sénat juge. » Il note que cette procédure a été utilisée contre Bill Clinton, Andrew Johnson et deux fois contre Donald Trump, mais qu’aucun président n’a été destitué en raison de la difficulté d’atteindre la majorité renforcée requise au Sénat.

En France, si la procédure franchissait l’étape de l’Assemblée nationale, elle devrait encore être approuvée par les deux tiers des sénateurs, avant que la Haute Cour de la République, composée de 11 députés et 11 sénateurs, ne se prononce. Ces obstacles rendent la destitution effective du président Macron extrêmement improbable.

Cette procédure, bien que historique dans son initiation, semble donc davantage relever d’une manœuvre politique que d’une réelle menace pour le mandat du président Macron. Elle soulève néanmoins des questions importantes sur le fonctionnement des institutions françaises et les limites du pouvoir présidentiel dans un contexte de tensions politiques accrues.

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