Du mépris colonial au génocide. De l’Algérie à la Palestine. (2eme partie et fin )

Par Yazid Ben Hounet

Outre de dénoncer ce mépris colonial, il faudra aussi le mettre à nu et travailler à l’avenir à révéler les crimes coloniaux qu’il autorise, ceux d’hier en Algérie, ceux toujours en cours au Sahara Occidental et en Palestine (mais également ailleurs), ainsi que, en retour, l’ensauvagement qu’il produit dans les continents européens et nord-américains (voire au-delà). Aimé Césaire nous invitait à entreprendre ce travail, il y a déjà près de 75 ans de cela, dans son puissant Discours sur le Colonialisme :

« Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au Viêt-Nam une tête coupée et un œil crevé́ et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et « interrogés », de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent.

C’est un chantier de recherche nécessaire, qui plus est pour les chercheurs sensibles à la question coloniale.

Dévoiler le mépris colonial, la guerre génocidaire et le consentement aux crimes coloniaux

« Nous imposons un siège complet à Gaza. Pas d’électricité, pas d’eau, pas de gaz, tout est fermé. Nous combattons des animaux et nous agissons en conséquence », Yoav Gallant, ministre génocidaire de la Défense israélien, 9 octobre 2023.

Je repense souvent à cette annonce programmée, télévisée, du génocide en Palestine, qui a été formulée dès le 9 octobre 2023. Celle-ci m’a fait froid dans le dos. Elle m’a horrifié, et je me suis vite rendu compte qu’elle a, à peine, troublé les nombreux commentateurs autorisés (éditocrates) et responsables politiques en France. Sans doute, beaucoup se sont réjouis, sous cape, de cette intention génocidaire explicite.
Douze jours plus tard, le 21 octobre, la présidente de l’Assemblé Nationale française, Yaël Braun-Pivet, accompagnée d’Éric Ciotti (président du parti les Républicains) et des députés Mathieu Lefèvre et Meyer Habib, participait de la propagande menée par Israël, en s’affichant aux cotés de l’armée génocidaire israélienne. Trois jours après, le 24 octobre, le président français Emmanuel Macron, en visite à Jérusalem, dans les bureaux du premier ministre de l’Etat hébreu, enfonçait le clou en proposant de mobiliser la coalition internationale contre l’Etat Islamique pour « lutter contre le Hamas ». Tout cela, en ayant connaissance et peut être in fine en soutien des déclarations du ministre génocidaire de la Défense israélien.

En dépit des alertes au génocide !

Avant même les déplacements de Yaël Braun-Pivet et d’Emmanuel Macron, l’anthropologue Didier Fassin (Le Monde, 18 octobre) avait établi la comparaison avec le génocide des Herero et Nama (Namibie) pour alerter l’opinion publique française quant à la « responsabilité de protéger » les populations palestiniennes. En vain…
Le goût du sang palestinien – le consentement à l’écrasement de Gaza , aux massacres de masse – a donc prévalu – et prévaut encore – sur la « responsabilité de protéger ».

27- L’Algérie ne pouvait pas saisir la Cour Internationale de Justice (CIJ) car il faut au préalable montrer qu’il existe un différend (point 2, page 8 de l’ordonnance de la CIJ) par voies officielles entre 2 États. C’était le cas de l’Afrique du Sud qui a rappelé ses diplomates en poste en Israël le 6 novembre 2023. Israël en a fait de même le 20 novembre. L’Algérie aurait été révoqué dès le départ par la CIJ pour la simple raison qu’elle n’a pas de relation diplomatique avec Israël et ne reconnaît pas ce pays qu’elle qualifie dans les communiqués officiels comme dans la presse algérienne d’ »entité sioniste »
28-Aimé Césaire, Discours sur le Colonialisme , publié en 1950 aux éditions Réclame, puis en 1955 aux éditions Présence africaine dans une version revue et actualisée par l’auteur.

29-Il s’agit là du sous-titre du tout récent ouvrage de Didier Fassin, 2024, Une étrange défaite. Sur le consentement à l’écrasement de Gaza, Paris, La Découverte.

Et sans doute, non sans raison. Le mépris colonial, un temps refoulé, ressurgissait à l’occasion. Plus loin que le génocide en Namibie, une partie de la France revivait là son propre passé colonial, en bonne partie occulté, et laissait cours à ses instincts enfouis, à sa violence coloniale, à sa haine raciale, au relativisme moral, selon les mots d’Aimé Césaire. A resurgi, en fait, via Yoav Gallant, le ministre génocidaire de la Défense israélien, la figure d’un autre militaire, longtemps encensé en France, jamais inquiété, et dont la place est pourtant dans les poubelles de l’Histoire : le maréchal Thomas-Robert Bugeaud, Gouverneur Général d’Algérie de 1841 à 1847. Car, en l’espèce, avant même les Herero et Nama et les ordres explicites du général allemand, Lothar von Trotha (1904), il nous faut bien remonter à ce militaire, français celui-ci, dont les intentions génocidaires étaient on ne peut plus claires et fort similaires à celles de Yoav Gallant : « Le but n’est pas de courir après les Arabes, ce qui est fort inutile ; il est d’empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer, de jouir de leurs champs […]. Allez tous les ans leur brûler leurs récoltes, ou bien exterminez-les jusqu’au dernier », affirmait-il dans les premiers temps de la conquête/dévastation coloniale française en Algérie . L’extermination directe ou par la destruction des moyens de subsistance ; les enfumades comme forme primitive d’emploi de l’arme chimique . En Algérie, sous Bugeaud, la frome primitive du génocide palestinien.
Il y a, pour ainsi dire, une continuité tant dans les mots, la pratique mais aussi dans l’occultation des crimes : depuis les immondes massacres – les enfumades de Sbéha (1844), de Dahra (1845), le massacre de la population de Laghouat (1852) , etc. – perpétrés par Bugeaud et les militaires français sous ses ordres ou dans son sillage (comme les généraux Cavaignac, Saint Arnaud et Pélissier) jusqu’au génocide en Palestine.
Plus de 180 ans après ces horribles massacres qui eurent lieu en Algérie, les villes et les villages de France comptent toujours de nombreuses rues, avenues, statues en l’honneur de ces Bugeaud et consorts, de ces militaires colonialistes, racistes, sanguinaires, génocidaires. Le mépris colonial fièrement affiché dans l’espace public des décennies durant, sans vergogne aucune. Encore et toujours. Ce mépris, célébré, qui banalise et participe de l’acceptation de la formule génocidaire du ministre de la Défense israélien et du génocide en Palestine.
Il y a, en effet, un a parallèle évident à faire entre, hier, des tribus algériennes exterminées et, aujourd’hui, des familles palestiniennes entièrement annihilées ; entre, hier, la ville de Laghouat au trois quart décimée et, aujourd’hui, Gaza en grande partie détruite. Hier comme aujourd’hui la même morgue colonialiste et cette ahurissante prétention occidentale d’être résolument du côté de la civilisation, des droits humains, de la démocratie. Les intentions et les finalités coloniales et génocidaires sont in fine les mêmes. Seules les armes ont changé, ainsi que le rythme des massacres.
Incapable donc de reconnaitre ses crimes coloniaux d’hier, une bonne partie de la France se refuse à voir, en dépit des images et de la documentation qui circulent, la réalité des massacres et du génocide en cours en Palestine.
30- Cité dans François Maspero, L’Honneur de Saint-Arnaud, Paris, Seuil, « Points », 1993, p. 177 sq.
31- Cf. à ce propos l’article d’Olivier Lion, 2009, « Des armes maudites pour les sales guerres ? L’emploi des armes chimiques dans les conflits asymétriques. Stratégique, N° 93-94-95-96 : pp. 491-531.
32- Cf. l’ouvrage de Lazhari Labter, 2018, Laghouat, La ville assassinée, Alger, Hibr éditions ; Didier Monciaud, 2023, « « Laghouat 1852 » », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 156 : 159-164.
Être Algérien, c’est-à-dire du côté des opprimés et des colonisés, vous rend sans doute davantage sensible au mépris colonial et au racisme abject qui permet l’énonciation de tels propos, les massacres qu’ils autorisent, ainsi que le manque de réactions à leur encontre. Cela vous interpelle encore plus sur cette archéologie de la violence coloniale et sur la récurrence de son acceptation de la part des dites « consciences civilisées ». Cela vous oblige – moralement, politiquement, éthiquement et en quelque sorte logiquement et instinctivement – à dénoncer ces crimes coloniaux – 132 ans en Algérie, plus de 100 ans en Palestine , mais aussi au Sahara Occidental (ailleurs également) – leurs pics génocidaires, et à dévoiler les mécanismes d’occultation, les formes d’acquiescement aux massacres qui décivilisent et abrutissent la doxa française, et plus largement celles européennes et nord-américaines.
Il y a près de soixante ans de cela, Simone de Beauvoir avait, elle aussi tenté, vainement, d’alerter l’opinion publique française sur les crimes coloniaux et sur l’effondrement moral auquel leur occultation conduisait. Elle parlait également de la complicité des citoyens français et de la France dans le « génocide » perpétré en Algérie. En changeant juste quelques mots de son texte, publié en 1962, on constate fort malheureusement qu’il pourrait fort bien être repris aujourd’hui pour la Palestine, et Gaza en particulier :

« Une Algérienne de vingt-trois ans, agent de liaison du F.L.N., a été séquestrée, torturée, violée avec une bouteille par des militaires français : c’est banal. Depuis 1954, nous sommes tous complices d’un génocide qui, sous le nom de répression, puis de pacification, a fait plus d’un million de victimes : hommes, femmes, vieillards, enfants, mitraillés au cours des ratissages, brûlés vifs dans leurs villages, abattus, égorgés, éventrés, martyrisés à mort ; des tribus entières livrées à la faim, au froid, aux coups, aux épidémies, dans ces « centres de regroupement » qui sont en fait des camps d’extermination – servant accessoirement de bordels aux corps d’élite – et où agonisent actuellement plus de cinq cent mille Algériens. Au cours de ces derniers mois, la presse, même la plus prudente, a déversé sur nous l’horreur : assassinats, lynchages, ratonnades, chasses à l’homme dans les rues d’Oran ; à Paris, au fil de la Seine, pendus aux arbres du bois de Boulogne, des cadavres par dizaines ; des mains brisées ; des crânes éclatés ; la Toussaint rouge d’Alger. Pouvons-nous encore être émus par le sang d’une jeune fille ? Après tout, – comme l’a insinué finement M. Patin, Président de la Commission de Sauvegarde, au cours d’un entretien auquel j’assistais – Djamila Boupacha est vivante : ce qu’elle a subi n’était donc pas terrible » .

Relativisme et effondrement moral, hier comme aujourd’hui. À rebours de l’Histoire qui s’écrit. Car, l’Algérie a vaincu le colonialisme. Et la Palestine et le Sahara Occidental le vaincront tôt ou tard.
Il reste à savoir si la France pourra encore traiter cette gangrène colonialiste qui semble s’être durablement installée , derrière les « inertes gémissements ».

« L’armée, pour des raisons qui la concernent – et qui n’intéressent qu’elle – veut maintenir dans l’asservissement un peuple résolu tout entier à mourir plutôt qu’à renoncer à son indépendance. Contre cette volonté collective et indomptable, elle se voit obligée de défier toutes les lois, écrites et non écrites ; son problème ne comporte en effet qu’une solution : l’extermination. « Et ubi solitudinem faciunt, id pacem appellant », disait Tacite des Romains. Ces mots s’appliquent exactement à ce que les militaires appellent pacification : elle n’est accomplie que dans les régions qu’ils ont transformées en désert ; elle ne s’achèverait que si tous les Algériens étaient morts ou en train d’agoniser derrière des barbelés. Aucune autre victoire n’est concevable. Si donc c’est la victoire qu’on vise, comme le proclament généraux, colonels, parachutistes et légionnaires, comment chicaner sur les moyens ? La fin les justifie pleinement, tous ; et même elle les dépasse, de loin.
« Je ne suis qu’une détenue parmi des milliers d’autres », disait l’autre jour Djamila à son avocate. En effet, il y a 14 000 Algériens enfermés dans les camps et les prisons de France, 17 000 dans les prisons d’Algérie, des centaines de mille parqués dans les camps d’Algérie. Les efforts dépensés à propos de Djamila manqueraient leur but s’ils ne devaient éveiller la révolte contre les traitements infligés à ses frères, et dont son cas ne représente qu’un exemple très ordinaire. Mais cette révolte n’aura de réalité que si elle prend la forme d’une action politique. Il n’existe qu’une alternative : ou bien vous qui pleurez si volontiers et si abondamment sur des malheurs anciens – Anne Franck ou le ghetto de Varsovie – vous vous rangez parmi les bourreaux de ceux qui souffrent aujourd’hui. Vous consentez paisiblement au martyre que subissent, en votre nom, presque sous vos yeux, des milliers de Djamila et d’Ahmed. Ou bien vous refusez non seulement certains procédés mais la fin qui les autorise et les réclame. Vous refusez cette guerre qui n’ose pas dire son nom, l’armée qui, corps et âme, se nourrit de la guerre, le gouvernement qui plie devant l’armée. Et vous mettez tout en œuvre pour donner une efficacité à vos refus. Pas de troisième voie : J’espère que ce livre contribuera à vous en convaincre. La vérité vous attaque de partout, vous ne pouvez plus continuer à balbutier: « Nous ne savions pas… » : et, sachant, pouvez-vous feindre d’ignorer ou vous borner à quelques inertes gémissements ?
J’espère que non. »

Incapable de se regarder en face, l’Etat français ne semble définitivement pas se rendre compte qu’il s’est déjà rendu complice de deux génocides – celui de la Shoah avec le régime de Vichy ; celui des Tustsi au Rwanda –, et probablement déjà d’un troisième, à Gaza (Palestine). Plusieurs spécialistes consciencieux et courageux le caractérisent désormais comme tel (comme Aryeh Neyer et Omer Bartov, outre les différentes analyses et rapports mentionnés dans mes précédents textes). Ils seront bien sûr plus nombreux quand les responsables politiques du moment ne seront plus aux commandes – ce qui est inévitable.
Mais ailleurs, et notamment dans la partie de l’Afrique dont je puis parler avec une certaine expérience directe, on n’hésite plus à dénoncer comme génocidaire les massacres coloniaux perpétrés par la France elle-même – comme cela fut le cas de la « guerre d’Algérie », qualifiée de génocide notamment par Simone de Beauvoir (cité dans ce texte), mais également des massacres de Setif, Guelma et Kherrata (1945), de ceux de Madagascar (1947) , ceux perpétrés durant les premières décennies de la conquête / dévastation coloniale en Algérie, entres autres massacres…

Peut-on construire une nation civilisée en occultant un tel bilan ? Que se passera-t-il après l’annihilation de Gaza et de la Palestine ?

Yazid Ben Hounet
Nous sommes avec la Palestine ! | Le Club (mediapart.fr)
We stand with Palestine, whether right or wrong – Allegra Lab (allegralaboratory.net)
Palestine : terrorisme, génocide et propagande | Le Club (mediapart.fr)
« L’avenir de l’homme occidental est la femme palestinienne » (lundi.am)
Génocide en Palestine (lundi.am)
Génocide en Palestine : ce qui se joue à la Cour Internationale de Justice (lundi.am)
Sahara occidental : périssent nos principes plutôt que la dernière colonie d’Afrique ? (lundi.am)
Gaza : du déni à l’occultation. Retour sur un entretien du Monde avec Eva Illouz et Derek Penslar – CONTRETEMPS
Gaza : du déni à l’occultation (lundi.am)

34- Simone de Beauvoir, préface à Gisele Halimi, 1962, Djamila Boupacha, Gallimard, Paris, p.1.
35-Aimé Césaire, 1950, Discours sur le Colonialisme, Paris, éditions Réclame.
36-Simone de Beauvoir, préface à Gisele Halimi, 1962, Djamila Boupacha, Gallimard, Paris. pp. 11-13.
37-L’alerte avait été lancée des 1994 par Francois Xavier Vershave, avec son ouvrage Complicité de génocide ? La politique de la France au Rwanda, Paris, La Découverte. Le rapport coordonné par l’historien Vincent Duclert confirme officiellement la chose en 2021 (près de 30 ans plus tard).
38- La répression fera plus de 80 000 morts. L’armée française y expérimente une nouvelle technique de guerre psychologique : des suspects malgaches sont jetés vivants d’un avion pour terroriser les villageois de leur région.

Quelques illustrations

Prise de Laghouat par le général Pelissier (1794-1864) le 4 décembre 1852 (1853)
Jean Adolphe Beauce
La peinture montre la tentative d’enfumade de la cité de Laghouat (travail des régiments des sapeurs). La technique avait été initialement utilisée pour les enfumades des grottes de Sbéha (1844) et de Dahra (1845) où s’étaient réfugiées des populations algériennes.


Les soldats français se tiennent devant les nombreux Algériens qu’ils ont massacrés en 1945 [5pillarsUK].
Source : Remembering the massacre of 45,000 Algerians – Middle East Monitor

3500 rebelles parqués dans la région de Tamatave après le soulèvement nationaliste des Menalambas (après 1947) à Madagascar. ©AFP – AFP : Source : 1947, un massacre colonial français à Madagascar – L’Humanité (humanite.fr)

Khan Younis – Les cimetières étant débordés, ou alors détruits ou rendus inaccessibles par l’armée israélienne, les Palestiniens massacrés par l’occupant sont enterrés dans des fosses communes – Photo : réseaux sociaux
Source : Génocide : Euro-Med Monitor a répertorié les charniers les plus importants de Gaza (chroniquepalestine.com)

*Yazid Ben Hounet est anthropologue, chargé de recherche au CNRS, membre du Laboratoire d’Anthropologie Sociale (Paris).

Vous aimeriez lire

Du même auteur

+ There are no comments

Add yours