16e sommet des BRICS+ à Kazan -Russie : Une refonte des relations internationales comme objectif


Par Abderrahmane Mebtoul
Professeur des universités, expert international en management stratégique

À partir de 2011, avec la tenue régulière de sommets et l’entrée de l’Afrique du Sud, les BRICS sont devenus un groupe officiel avec des objectifs liés à la lutte contre le protectionnisme de certains de leurs partenaires du G20 (G8 élargi) ou la réforme de la gouvernance du Fonds monétaire international (FMI) et du Système monétaire international et la reconnaissance de la multipolarité des équilibres économiques et politiques mondiaux, en rupture avec les organisations héritées de l’après Seconde guerre mondiale.

Le 16e sommet des BRICS+ composé du la Russie, de l’Inde, de la Chine, de l’Afrique du Sud du Brésil avec six nouveaux membres depuis la dernière réunion, se réunira à Kazan en Russie du 22 au 24 octobre 2024. Un groupe à ne pas confondre avec l’organisation de Shanghai fondée en 2001 par la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan, ayant accueilli l’Inde et le Pakistan en 2016, l’Iran en 2021, et le Bélarus en 2024 visant à assurer la sécurité collective contre le terrorisme, l’extrémisme et le séparatisme. ·Le Kremlin annonce une participation record : 24 chefs d’État et de gouvernement qui ont confirmé leur présence dont les présidents Chinois, Brésilien, Iranien, Turc , auxquels s’ajouteront huit représentants de haut rang d’autres nations ainsi que la présence du Secrétaire général de l’ONU et la présidente de la Nouvelle banque de développement. Des invitations ont été envoyées à 38 États, dont des États membres et des pays qui « souhaitent coopérer » avec les BRICS. Selon les organisateurs 59 pays en voie de développement, selon les organisateurs, d’Asie, d’Afrique, d’Europe de l’Est et d’Amérique latine ont exprimé leur intérêt à rejoindre les BRICS dont la Turquie, le Venezuela, la Thaïlande et la Malaisie et même un pays européen, récemment, comme la Serbie envisage d’être membre des BRICS. L’acronyme BRIC est apparu pour la première fois en 2001 sous la plume de l’économiste britannique Jim O’Neill, dans un rapport de la banque d’investissement Goldman Sachs intitulé Building Better Global Economic BRICs (le « S » final étant celui du pluriel et ne désignant pas l’Afrique du Sud). C’est surtout à partir de 2011, avec la tenue régulière de sommets et l’entrée de l’Afrique du Sud, que les BRICS sont devenus un groupe officiel où les objectifs sont : la lutte contre le protectionnisme de certains de leurs partenaires du G20 (G8 élargi) ou la réforme de la gouvernance du Fonds monétaire international (FMI) et du Système monétaire international et la reconnaissance de la multipolarité des équilibres économiques et politiques mondiaux, en rupture avec les organisations héritées de l’après Seconde guerre mondiale. De ce fait, le sommet de Kazan sera un événement central de l’agenda international, cet événement étant une opportunité pour ses membres et les observateurs de discuter de questions stratégiques dans un cadre où les intérêts communs sont au cœur des échanges. L’alliance de neuf membres décidera de l’orientation du groupe lors du prochain sommet et s’engagera en faveur d’un partenariat plus solide . Le président russe a même proposé un Parlement des BRICS qui est une alliance économique afin d’en faire une alliance politique plus organisée afin de peser dans les discussions internationales et contre les éventuelles sanctions unilatérales. Mais cette proposition ne fait pas l’unanimité. La Chine est pour l’instant le moteur de cette organisation, la deuxième économie au monde, le plus grand exportateur et un investisseur de plus en plus important et pour alimenter ses exportations et sa consommation intérieure, important monde entier des volumes considérables de matières premières et de produits semi-finis. Des accords commerciaux de libre-échange ont été conclus notamment entre la Chine et l’Afrique du Sud et encore entre le Brésil et la Russie visant à réduire les barrières commerciales, à harmoniser les normes et à faciliter les transactions étant prévu une réduction des tarifs douaniers entre les pays membres, facilitant ainsi la circulation des biens et services. Pour l’instant les résultats sont mitigés, l’intensification du commerce intra-Brics, des infrastructures économiques et logistiques étant nécessaires pour garantir que les flux commerciaux où selon certaines données internationales au moins 80 % de l’accroissement des échanges entre les différents BRICS impliquent la Chine avec un accroissement entre Inde et Russie. Pour 2022, le PIB des BRICS, constitués des cinq États fondateurs est le suivant : la Chine 17.963 milliards de dollars- l’Inde 3.385 milliards de dollars – la Russie 2.240 milliards de dollars -le Brésil 1.920 milliards de dollars et l’Afrique du Sud 406 milliards de dollars, soit au total 25.914 milliards de dollars soit près de 26% du PIB mondial pour une population approchant 3,2 milliards d’habitants, la Chine représentant en 2022 69,32% du BRICS Pour les pays retenus comme nouveaux membres nous avons par ordre décroissant : l’Arabie Saoudite 1108 milliards de dollars; Argentine 632 milliards de dollars qui s’est retirée , les Emiraties 508 milliards de dollars, Egypte 404 milliards de dollars, Iran 388 milliards de dollars et l’Ethiopie 127 milliards de dollars. Pour les fondateurs des cinq pays des BRICS, nous aurons 25.914 milliards de dollars pour 2022 soit près de 26% du PIB mondial. Les nouveaux membres des BRICS représentent un PIB d’environ de 3167 milliards de dollars ce qui donne un total pour les 11 pays de 29.000 milliards de dollars soit 29% du PIB mondial pour 2022, pour une population approchant les 45% de la population mondiale.

Banque des BRICS

Afin d’essayer de s’affranchir des institutions de Bretton Woods mises en place après la Seconde Guerre mondiale (Fonds monétaire international et Banque mondiale) a été créé la Banque de développement des BRICS qui a été inaugurée le 15 juillet 2014 à l’occasion du 6e sommet qui s’est tenu à Fortaleza au Brésil, le Bangladesh les Émirats arabes unis devenant membres en 2021, l’Égypte en 2023 et l’Algérie en 2024 ( voir interview du professeur Abderrahmane Mebtoul le 18 octobre 2024 à la télévision internationale chinoise CGTN Français Regard sur la Chine , retransmis dans 87 pays et régions, et disponible partout dans le monde sur Facebook, YouTube, Twitter, Instagram Weibo et Wechat sur la prochaine réunion des BRICS et le rôle de la nouvelle banque d’investissement) Selon Dilma Rousseff, présidente actuelle de la NDB et ancienne présidente du Brésil, dans un entretien au Financial Times à la veille du 15e sommet des BRICS, a déclaré que «la banque examine actuellement les demandes d’adhésion d’environ 15 pays, bien qu’elle ne soit susceptible que d’en approuver quatre ou cinq». L’objectif de cette banque vise à s’affranchir des institutions de Bretton Woods mises en place après la Seconde Guerre mondiale (Fonds monétaire international et Banque mondiale), établi autour des systèmes SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Télécommunication) et CHIPS (Clearing House Interbank Payments System), en tentant d’utiliser d’autres devises que le dollar américain dans les échanges commerciaux entre BRICS+. Depuis mars 2023, cette banque dotée d’un capital initial de 50 milliards de dollars, a vu ce capital porté à 100 milliards de dollars dont la Chine détient plus de 40 % du capital. Les avantages de la Nouvelle Banque de développement serait la promotion de l’usage des monnaies nationales des pays membres, ce qui pourrait promouvoir le commerce intérieur et l’investissement réciproque de ces pays, réduisant ainsi la dépendance au dollar et la mise en place d’un mécanisme de paiement durable pour le commerce bilatéral des pays BRICS. L’objectif à moyen et long termes serait la création d’une monnaie commune adossée au niveau des réserves de change et l’or. Mais s’imposent deux conditions devant tenir compte de stratégies divergentes au sein de ce groupe, variant entre l’ambition de la Russie, de l’Iran et de la Chine de se libérer de la domination du dollar et des pays moins engagés tels que l’Inde et les Émirats arabes unis, qui préfèrent utiliser soit le dollar ou leur propre monnaie, le Brésil et l’Afrique du Sud se contentant pour l’instant de régler leurs échanges avec leur principal partenaire (la Chine) en renminbi (RMB) : premièrement, des réserves de change importantes des pays membres pour alimenter cette Banque fonction de l’accroissement de leur PIB sachant qu’ 2023 pour environ un milliard d’habitants Europe plus USA accaparent plus de 40% du PIB mondial estimé à 103.000 milliards de dollars. Or, fonction de leur situation budgétaire, seules la Chine, la Russie, l’Arabie Saoudite et les Emirats peuvent y contribuer substantiellement. Deuxièmement, il faut être réaliste, outre des systèmes politiques et économiques hétérogènes, selon les données du FMI en 2023, en moyenne, la part du dollar, dans les paiements mondiaux s’élève à environ 38 %, l’euro faisant jeu égal avec le dollar et la part du dollar dans les réserves de change mondiales est passée de 71 % en 1999, à 58 % en 2022, l’euro 20,5 %, le yen 5,5 %, la livre sterling 5 % et le yuan chinois 2,7 %. L’indépendance relative des BRICS vis- à- vis du dollar et accessoirement de l’euro sera fonction entre 2025/2030 de leur part dans le commerce mondial. Une monnaie commune qui cohabiterait avec le dollar et l’euro est un objectif à long terme, (plusieurs décennies pour instaurer l’euro), problème technique complexe qui suppose une uniformisation des taux de change, fonction du poids économique de chaque pays, et une coordination de toutes les banques centrales.

En conclusion, l’action des BRICS bien qu’ayant des systèmes politiques et économiques divergents, a permis de soulever des problèmes jusque-là ignorés par les pays développés comme le déséquilibre de l’économie mondiale et qu’il ne peut y avoir de développement global sans le développement et la prospérité de la majorité des pays en voie de développement et qu’il s’agit de respecter le choix du système politique et économique de chaque nation, tenant compte de son histoire et de son anthropologie culturelle. Les BRICS sont pour l’instant un Club non structuré en secrétariat général, et commissions comme le G7, avec des structures politiques et économiques différentes. Mais son poids économique croissant, étant prévu l’entrée de nouveaux pays membres, le groupe dominerait entre 2030/2035 plus de 50% du PIB mondial ce qui devrait modifier l’actuelle architecture des relations internationales s’orientant vers un monde multipolaire afin de favoriser un co-développement mondial et lutter contre les inégalités et la pauvreté. ademmebtoul@gmail.com

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