Trente ans après le génocide des Tutsi au Rwanda, une action en justice inédite marque un tournant dans la quête de vérité sur le rôle de la France. Pour la première fois, le tribunal administratif de Paris examine une requête visant à faire reconnaître la responsabilité de l’État français dans ce drame historique qui a coûté la vie à plus de 800 000 personnes.
L’initiative, portée par des victimes du génocide et deux associations, marque un changement de stratégie après plusieurs tentatives infructueuses devant les juridictions pénales. Les plaignants, représentés par Philippe Raphaël, ciblent une série de décisions et d’actions qu’ils considèrent comme « gravement fautives et systémiques » de la part des autorités françaises entre 1990 et 1994.
Au cœur des accusations se trouve le soutien multiforme – politique, militaire et diplomatique – apporté par la France aux extrémistes hutu. Les requérants pointent notamment le maintien du traité d’assistance militaire de 1975, malgré les signes avant-coureurs d’une dérive génocidaire du régime. Des figures emblématiques de l’époque sont directement visées, dont Hubert Védrine, alors secrétaire général de l’Élysée, et l’amiral Jacques Lanxade, chef d’état-major des armées, accusés d’avoir favorisé une militarisation excessive du pouvoir.
L’opération « Turquoise », menée par l’armée française, reste un point de controverse majeur. Si la justice pénale a classé sans suite en octobre 2023 les accusations concernant l’implication directe des forces françaises dans les massacres de Bisesero, un appel est en cours d’examen, avec une décision attendue le 11 décembre.
Les plaignants s’appuient largement sur le rapport Duclert de 2021, qui a reconnu des responsabilités « lourdes et accablantes » de la France, tout en écartant une complicité directe dans le génocide. Ce document historique souligne les défaillances de l’État français face à la montée des violences ethniques au Rwanda.
Cette procédure administrative intervient dans un contexte de devoir de mémoire particulièrement sensible. Le génocide des Tutsi, perpétré entre avril et juillet 1994, demeure l’une des pages les plus sombres de l’histoire contemporaine. Les massacres systématiques, orchestrés par le régime hutu extrémiste, ont ciblé non seulement la minorité tutsi mais aussi les Hutus modérés opposés à cette violence organisée.
Cette action en justice représente plus qu’une simple procédure juridique : elle symbolise la quête persistante de vérité et de justice, tout en questionnant la responsabilité des nations face aux crimes contre l’humanité. La décision du tribunal administratif pourrait marquer un précédent historique dans la reconnaissance des responsabilités étatiques lors de conflits internationaux. R.I
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