Par Abderrahmane Mebtoul
Professeur des universités et expert international
Les moyens modernes de communication facilitent l’expression libre et la circulation, via les réseaux, des idées les plus extrêmes, dans un but revendicatif, subversif ou prédateur. Seule une composante humaine compétente et capable d’assimiler les nouvelles techniques et les technologies avancées peut se mettre au diapason des défis accélérés imposés par le devoir de la sauvegarde de l’indépendance de tout pays et la préservation de sa souveraineté nationale.
En raison des nouvelles technologies et à leur prolifération non maîtrisée, les conflictualités sont susceptibles d’utiliser toute la panoplie des capacités actuelles : armement sophistiqué, maîtrise de l’information, diversité des types d’agression (capacité d’exporter une menace n’importe où dans le monde), générant des menaces (cyber-délinquance, cybercriminalité, etc.) qui mettent en évidence l’insuffisance des systèmes de sûreté ou de substitution dans les sociétés modernes. Les moyens modernes de communication facilitent l’expression libre et la circulation, via les réseaux, des idées les plus extrêmes, dans un but revendicatif, subversif ou prédateur. Elles peuvent atteindre tous les pans de la société : cohésion sociale, légitimité de l’autorité, pertinence du modèle économique, sociétal ou religieux. Ainsi véhiculées, les techniques d’agression de toutes natures se propagent, et contribuent d’autant plus à la fragilisation des « cibles » potentielles qu’elles s’appuient souvent sur l’image, support d’émotion. Aussi, seule une composante humaine compétente et capable d’assimiler les nouvelles techniques et les technologies avancées peut se mettre au diapason des défis accélérés imposés par le devoir de la sauvegarde de l’indépendance de tout pays et la préservation de sa souveraineté nationale.
Quels enjeux ?
Quels sont les enjeux géostratégiques mondiaux et la problématique de la sécurité collective alors qu’aux horizons 2030 et 2040, nous devrions assister à d’importantes reconfigurations géopolitiques et géoéconomiques entrant dans le cadre de la nouvelle stratégie mondiale à laquelle aucun pays ne saurait échapper, dont l’Afrique ? Ces mutations devraient conduire à de profondes reconfigurations socio-économiques, technologiques, mais également sécuritaires. La « sécurité collective », expression dont l’usage s’est développé dans les années 1930, constitue une tentative de réponse au déchaînement de violence des deux guerres mondiales du xxe siècle. Quant à la formation à la paix (CP), elle soulève des défis politiques, économiques et sécuritaires, et notamment la relation entre la formation et la manière dont les parties externes s’engagent dans le règlement des conflits, et notamment la relation entre les États, les organisations internationales et les sociétés civiles mondiales et locales et leurs influences pour une paix durable, fondée sur le dialogue des cultures , la tolérance, facteur de stabilité de toute l’humanité pour un monde solidaire. Aux antipodes de la sécurité par l’équilibre des puissances qui avait marqué le système international au XIXe siècle, la sécurité collective repose, elle, sur le déséquilibre des forces. Ce système a d’abord été institutionnalisé, au lendemain de la Grande Guerre, par la Société des Nations (SDN), puis a été repris en 1945 par l’Organisation des Nations unies (ONU). Loin d’avoir donné les résultats que ses promoteurs avaient placés en lui, il marque néanmoins un tournant dans l’histoire des relations internationales. Une approche globale comme facteur d’adaptation selon les experts militaires est nécessaire au nouveau contexte : la cohérence, l’anticipation, l’adaptabilité, la permanence, la « légitimation » et la « résilience ». C’est que les crises internationales ont toujours concerné de nombreux acteurs. Mais traditionnellement, en dehors de l’organisation de sécurité collective à vocation universelle et à compétence générale qu’est l’ONU, leur gestion revenait avant tout aux États. Or de nombreux autres acteurs y participent désormais, notamment les organisations non gouvernementales et les organisations d’intégration régionale. On le constate, le champ est composé d’une multitude d’acteurs et d’approches qui implique de facto un morcellement des actions et une difficulté à avoir un impact significatif sur le terrain. De nombreuses études tentent de catégoriser les principaux acteurs de ces conflictualités émergentes. La plupart d’entre elles opposent les États, dotés de forces armées régulières, à des acteurs non-étatiques, laissant apparaître de nouveaux adversaires. Cette opposition, selon les experts en géostratégie entre États et acteurs non-étatiques, ne semble pas totalement satisfaisante, car elle ne reflète pas l’ensemble des systèmes asymétriques. En effet, une typologie des acteurs ne peut se faire qu’en prenant en compte plusieurs critères : les motivations, l’organisation et les modes d’action. De nouvelles conflictualités sont apparues où leurs acteurs se caractérisent souvent par l’illisibilité de leur organisation, l’imprévisibilité de leurs actions multiformes qui privilégient la violence dûment mise en scène par la recherche du sensationnel et de la médiatisation.
L’importance de la maîtrise des NTIC
D’où l’importance de la maîtrise du nouveau système d’information condition du développement et de la sécurité (NTIC) qui ont des implications au niveau de la gouvernance sécuritaire, politique, de la gestion des entreprises et des administrations et également sur notre nouveau mode de vie, renvoyant au savoir et à l’innovation permanente. Politiques, entrepreneurs, citoyens, doivent, en ce monde turbulent et incertain, doivent prendre des décisions en temps réel, la maîtrise du temps étant le défi principal du siècle. Les NTIC sont un ensemble de technologies utilisées pour traiter, modifier et échanger de l’information, plus spécifiquement des données numérisées. La naissance des NTIC est due notamment à la convergence de l’informatique, des télécommunications et de l’audiovisuel. Le développement d’Internet à haut débit, la démocratisation de l’ordinateur et des nouvelles technologies découlent d’une baisse des tarifs proposés par les fournisseurs d’accès et d’une demande de plus en plus présente de la clientèle. Le boum des blogs et des messageries électroniques donne aux TIC une place de plus en plus vaste dans notre société. Cette interaction de l’électronique et de l’informatique explique que les applications des NTIC puissent répondre aux besoins aussi bien des entreprises et de l’État que des ménages et des individus. Désormais soumises aux mêmes lois du marché que n’importe quelle autre activité de production marchande, les NTIC constituent, en outre, un secteur où la concurrence se joue directement à l’échelle mondiale. La globalisation des entreprises, des marchés et des circuits de la finance n’a pas seulement impliqué un remodelage des structures économiques et des flux d’échange, elle a aussi conduit à la professionnalisation de la communication et de l’information, ainsi qu’à une intégration de plus en plus poussée des phases de la conception, de la création et de la consommation des produits, parallèlement à la fusion de sphères d’activités jadis séparées, voire opposées. Plus qu’une ouverture vers le grand public, les TIC révolutionnent l’organisation interne de l’entreprise. Les logiciels de gestion appelés les ERP (Enterprise Ressource Planning) gèrent différentes tâches comme les stocks ou la trésorerie, le travail collaboratif est simplifié grâce à l’utilisation de l’intranet et de la messagerie, le système « wireless » ou « sans fil » maintient un lien permanent avec des collaborateurs en déplacement tout comme la vidéoconférence. Tout cela génère un meilleur partage ainsi qu’une meilleure circulation de l’information interne. Ainsi, le monde est devenu une grande maison de verre, un acquis contre les régimes totalitaires dans la mesure où l’information n’est plus le quatrième pouvoir, mais le pouvoir lui-même. L’infrastructure de l’Internet se répand aujourd’hui autour du monde pour créer un large réseau mondial, et ce, grâce à l’informatique qui permet aujourd’hui de numériser les informations et de gérer de nouveaux systèmes. L’intégration des télécommunications, de l’informatique et de l’audiovisuel a donné naissance à la Société de l’information qui fait l’objet d’une attention particulière de la part des États et des organisations internationales. Ces nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) changent profondément la vie au quotidien des citoyens, le fonctionnement des entreprises, de l’État. Tout cela entraîne de nouvelles représentations mentales et sociales. Cela est plus patent au niveau multimédia (TV, vidéo à la demande, GPS, musique…) sur les téléphones portables. Sur le plan macroéconomique, les nouveaux processus mis en place grâce aux TIC ont des conséquences sur l’analyse de la valeur des produits et services, que l’on effectue davantage sur le cycle de vie, lequel a tendance à se raccourcir et influe sur les gains de productivité et la croissance liée à l’introduction des TIC. Les TIC influencent également la recherche scientifique et technique et permettent indirectement de réaliser de nouvelles découvertes qui ont à nouveau un effet macroéconomique. Enfin, les TIC ont un impact dans de nombreux autres domaines comme les loisirs, la culture, la santé, la gestion du temps, les comportements en société. L’avènement d’Internet et le développement formidable qu’il connaît depuis quelques années ont pratiquement mis en demeure l’entreprise – de quelque importance qu’elle soit – de s’adapter et d’en faire l’usage le plus judicieux et le plus productif. Les NTIC permettent de mettre en place des modèles d’organisation du travail dont les principales caractéristiques sont la décentralisation et la flexibilité. Le phénomène de délocalisation de l’emploi tient largement de la recherche des gains de productivité et des possibilités offertes par les NTIC aux entreprises : télésaisie, télétraitement et télémaintenance informatique sont maintenant une réalité de tous les jours.
L’ère de l’intelligence artificielle
C’est dans ce cadre que rentre la maîtrise de l’intelligence économique, mais pour éviter des confusions, la différencier d’une start-up. Il s’agit, comme le dit Peter Thiel, célèbre entrepreneur de la Silicon Valley, de passer de 0 à 1 pour transformer une idée en entreprise, de trouver une nouvelle manière de rendre un service, de créer de la valeur. Être une startup, c’est apporter de la valeur à des clients avec un produit ou un service que personne n’a jamais fait avant. Et l’enjeu d’une startup est de trouver et construire le Business Model qui va avec. Un Business Model qui n’est pas calqué sur une structure existante. Cela signifie qu’une startup cherche un modèle qui, une fois qu’il fonctionne, peut être réalisé à plus grande échelle, dans d’autres lieux, ou être fait par d’autres. L’exemple le plus parlant est celui d’Airbnb ou d’Uber, qui se déploient ville par ville à partir d’une recette qui fonctionne (même s’il faut bien entendu parfois l’adapter aux contextes locaux) sur la base d’un modèle où plus le nombre de clients augmente, plus les marges sont grandes. Les premiers clients coûtent plus cher que les suivants, et ainsi de suite. C’est cette scalabilité qui fait que le modèle soit reproductible, permettant aux startups de grandir si vite et si loin, en peu de temps, comparativement à une entreprise plus classique. La différence fondamentale est qu’une entreprise est organisée pour exécuter et optimiser un Business Model qui fonctionne, alors qu’une startup est organisée pour en trouver un. Cela implique un système d’information transparent et au temps réel car les statistiques sont désormais abondantes aux échelons national, régional et mondial, jouant un rôle de plus en plus grand dans nos sociétés et nos administrations publiques servant couramment à informer les débats publics, la formulation des politiques et la prise de décisions commerciales, posant le problème de leur qualité, de la compilation et de leur sélection. Revenons au principe de Pareto celui des 20/80%. En management stratégique : 80% d’actions mal ciblées que l’on voile par de l’activisme ministériel ont un impact de 20% sur la société ; 20% d’actions bien ciblées ont un impact de 80% et devant tenir compte du facteur temps combinant les paramètres et les variables pour atteindre l’optimum global. Ce qui est paramètres à court terme peut devenir variable à moyen terme, et ce qui est secteur stratégique aujourd’hui peut ne pas le devenir demain L’Intelligence économique et sa gestion stratégique est devenu pour une Nation et l’entreprise d’une manière particulière, l’un des moteurs essentiels de sa performance globale et de sécurité. . L’intelligence économique intègre deux dimensions supplémentaires par rapport à la veille : la prise de décision et la connaissance de l’information. Le modèle d’Intelligence Economique recouvre en trois concepts. Nous avons d’abord les données qui sont des nombres, des mots, des événements existants en dehors d’un cadre conceptuel de référence. Ensuite nous avons l’information qui est l’accumulation de données, traitées et transformées qui deviennent des informations, validées et confrontées, qui commencent à avoir un sens. Enfin, nous avons la connaissance qui est l’ensemble d’informations interprétées qui permet de prendre des décisions. Les passages par ces trois concepts se font de la manière suivante. Je veux avoir de bonnes informations au bon moment. Pour cela il faut définir des objectifs ; rechercher et collecter des données ; trier et stocker les données et enfin disposer d’informations pertinentes. Comment puis-je rendre l’information utile ? Une fois les objectifs globaux en matière d’information arrêtés, et les missions de recherche, collecte, tri et stockage validées, il faut analyser l’information, exploiter les résultats de manière à faire ressortir les aspects aidant à la prise de décision. Dès lors se pose le passage de la connaissance à l’intelligence. Il doit s’adapter et évoluer dans le temps, pour cela il faut partager l’information, évaluer la qualité et la pertinence des décisions et se remettre en question. Une Nation ou une entreprise sera meilleure que ses concurrents si elle possède, avant les autres, les bonnes informations au bon moment, qu’il s’agisse de connaissance de l’adversaire dans le domaine militaire, des marchés, d’informations juridiques, technologiques, normatives ou autres. Pour creuser son avantage compétitif, une Nation doit pouvoir créer une asymétrie d’information à son avantage. Cela renvoie à des enjeux sécuritaires, politiques, économiques et technologiques. C’est aussi pour cette raison que les gouvernements apportent leur assistance dans l’enseignement et l’éducation des dirigeants d’entreprise, afin qu’ils utilisent l’intelligence économique pour renforcer leur habilité en matière de gestion. D’où l’appui aux entreprises pour l’accès aux volumes importants d’informations sur le commerce international détenu par les départements et agences ministériels, les Services de renseignement et de contre-espionnage, mettant en place un service d’information économique au profit des entreprises engagées dans le commerce extérieur. Dans un contexte de concurrence internationale tant politiques, militaires, qu’économiques (avec de nouvelles formes sophistiquées , la guerre classique étant secondaire, la propriété industrielle sous divers aspects, (brevets, marques, modèles, savoir-faire, droits d’auteurs, veille technologique, secret, protection de logiciels, transfert technologique, accords de licence, droit de la concurrence, etc.) devient de plus en plus un enjeu majeur. Beaucoup d’entreprises tentent de soutirer à leurs concurrents des technologies, des fichiers de clients, des secrets commerciaux, des structures de coûts de produits, des spécifications et procédures de fabrication de produits et des plans de développement. Depuis l’apparition des intranets et des extranets, l’information se diffuse plus rapidement et plus largement hors des frontières, acquérant ainsi une telle valeur stratégique que l’enjeu est désormais de se l’approprier. C’est pourquoi, actuellement la majorité des Etats développés contribuent à assurer au sein des entreprises le contrôle de la sécurité des bases de données internes pour faire face aux piratages des données. Les motivations des pirates informatiques ont évolué : du piratage de logiciels de la part d’amateurs dont la motivation essentielle consistait à voler pour leur usage personnel, nous sommes passés à un piratage « professionnel » d’ordre économique (détournements d’argent) et piratage industriel, proche de l’espionnage. Au-delà des risques techniques qu’imposent les Tic, la sécurisation des données informatiques commence par la sécurisation et la sensibilisation des ressources humaines. Les interceptions de communication ont aussi évolué. Des écoutes téléphoniques nous sommes passées aux interceptions des messages électroniques. Lorsqu’un mail est envoyé de façon habituelle, il n’est pas crypté et peut transiter par une dizaine de proxies qui jalonnent le parcours vers sa destination. Or, ces derniers conservent, pour des raisons techniques mais aussi légales, une copie des messages reçus. Les informations contenues dans le corps du message et dans les fichiers joints peuvent donc être lues par autant de responsables de proxies que nécessite le trajet. Les vols plus inattendus par les photocopieuses. Chaque fois que l’on copie un document sur un copieur moderne, une copie est enregistrée sur le disque dur de la machine. Elles sont ainsi devenues de véritables centres de stockage informatisés, et cela très souvent à l’insu des dirigeants et salariés des entreprises. Les copieurs et les machines multifonctions les plus modernes stockent les informations avant de les imprimer, des experts en informatique peuvent donc ensuite très facilement récupérer ces informations, d’autant plus que la plupart d’entre elles sont généralement connectées à un réseau, soit via un PC (imprimante partagée), soit grâce à une adresse IP propre.
En résumé, cette analyse des nouvelles mutations informationnelles et technologiques mondiales et l’impact sur l’économie algérienne a été longuement développée dans plusieurs contributions notamment dans l’American Herald Tribune du 11 août 2018 (USA) «Dr Abderrahmane Mebtoul : «Algeria Still Faces Significant Challenges» et le 19 octobre 2019 dans l’interview à American Herald Tribune Prof. Abderrahmane Mebtoul: “TheWidespread Financial Scandals Affecting most Sectors of National ActivityThreaten the Foundations of the Algerian State. Notre intervention -Ministère de la défense nationale MDN Institut miliaire Colloque international 28 janvier 2020 Cercle National de l’Armée, Beni Messous – Alger sur les réseaux sociaux au Maghreb et au Moyen-Orient: quel impact sur les transitions politiques dans la région » Le monde est à l’aube d’une quatrième révolution économique et technologique, fondée sur deux fondamentaux du développement du XXIème siècle, la bonne gouvernance et l’économie de la connaissance, ne devant jamais oublier que toute nation qui n’avance pas recule, n’existant pas de situation statique. Un des grands dangers à l’avenir viendra de la cybercriminalité qui peut déstabiliser tout un pays tant sur le plan sécuritaire qu’économique. Il englobe plusieurs domaines exploitant notamment de plus en plus l’Internet pour dérober des données privées, accéder à des comptes bancaires et obtenir frauduleusement parfois des données stratégiques pour le pays.
ademmebtoul@gmail
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