RD Congo : L’offensive du M23 à Goma fait au moins 17 morts

Les violents combats qui font rage depuis lundi à Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), marquent une nouvelle escalade dramatique dans un conflit vieux de trois décennies. Les rebelles du M23 ont pénétré dimanche dans cette ville stratégique, plus grande cité de l’est congolais, au terme d’une progression éclair de quelques semaines. Les affrontements entre les forces congolaises et le groupe armé M23 se poursuivent avec intensité, particulièrement aux abords de l’aéroport qui reste sous le contrôle des soldats congolais et des miliciens pro-gouvernementaux. La situation humanitaire s’annonce catastrophique dans cette ville qui abrite près de deux millions de personnes, dont la moitié sont des déplacés. Bruno Lemarquis, coordinateur humanitaire de l’ONU pour la RDC, a décrit une situation « extrêmement inquiétante » avec « un nouveau seuil de violence et de souffrances atteint aujourd’hui avec des zones de combats actifs dans tous les quartiers de la ville ». Les conditions sur le terrain sont « chaotiques », marquées par des tirs d’artillerie dans le centre-ville, des coupures d’électricité, d’eau et d’internet. Les hôpitaux sont « dépassés » par l’afflux de blessés, alors que le dernier bilan fait état d’au moins 17 morts et 367 blessés. Le Comité international de la Croix-Rouge a indiqué avoir pris en charge 117 blessés, dont 86 victimes de blessures par balles, dans un seul hôpital. La situation est particulièrement dramatique pour les enfants. Selon l’ONG Save the Children, plus de 1,5 million d’enfants ont besoin de protection urgente à Goma. Greg Ramm, directeur de l’ONG en RDC, souligne que « la situation est confuse, complexe et horrible et il n’y a aucun endroit sûr où aller depuis Goma ». Les pertes touchent également les forces de maintien de la paix, avec quatre soldats sud-africains tués lors des derniers affrontements, portant à treize le nombre de militaires sud-africains morts en moins d’une semaine. L’armée sud-africaine a précisé que « les rebelles du M23 ont lancé une bombe de mortier en direction de l’aéroport de Goma, qui a atterri dans la base de la SANDF », causant la mort de trois soldats, tandis qu’un quatrième a succombé à ses blessures. Face à cette escalade, l’ONU a commencé l’évacuation de son personnel civil non essentiel vers Kinshasa et la base d’Entebbe, en Ouganda. Jean-Pierre Lacroix, responsable des opérations de maintien de la paix de l’ONU, insiste sur « un objectif immédiat qui est un arrêt des hostilités à Goma et la protection des vies ». La priorité est notamment de protéger les installations de la Monusco où « de très nombreuses personnes ont trouvé refuge », « à la fois des civils et des combattants désarmés ». L’aide humanitaire est gravement perturbée. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a dû interrompre temporairement ses activités d’assistance alimentaire dans Goma et ses environs. Sa porte-parole, Shelley Thakral, s’inquiète d’une possible pénurie alimentaire, soulignant que « les prochaines 24 heures seront cruciales car les gens commencent à manquer de provisions et devront voir ce qu’ils peuvent trouver pour survivre ». Le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, a révélé qu' »un demi-million de personnes de plus ont été déplacées rien que ce mois-ci ». Cette offensive vers Goma s’inscrit dans un contexte historique complexe, étant la dernière réplique en date du génocide des Tutsis par des Hutus au Rwanda en 1994, le M23 étant un mouvement à dominante tutsie affirmant défendre les Tutsis de l’est de la RDC. Les autorités congolaises accusent les rebelles d’être une force supplétive de l’armée rwandaise servant les ambitions expansionnistes de Kigali, une accusation que le Rwanda rejette. Sur le plan diplomatique, des efforts sont en cours pour désamorcer la crise. Le président sud-africain Cyril Ramaphosa s’est entretenu avec son homologue rwandais Paul Kagame, les deux dirigeants convenant de la nécessité d’un cessez-le-feu. Le président congolais Felix Tshisekedi a reçu le soutien de Washington à l’intégrité territoriale de la RDC. Un sommet doit réunir mercredi les chefs d’État rwandais et congolais pour tenter d’apaiser les tensions, selon la présidence kényane. Cette nouvelle crise s’ajoute à une situation humanitaire déjà critique dans la région, qui vit « l’une des crises humanitaires les plus longues, complexe et grave de la planète », avec près de 6,5 millions de déplacés dans le pays, dont 3 millions dans le Nord-Kivu. Au total, plus de 26 millions de personnes – soit une personne sur quatre – ont besoin d’aide humanitaire dans ce pays de plus de 100 millions d’habitants, grand comme l’Europe occidentale et qui compte plus de 100 groupes armés actifs sur son territoire. R.I.

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