Pegasus : Rabat dans la tourmente après les révélations sur l’espionnage de hauts responsables espagnols

De nouvelles révélations fracassantes viennent alimenter le scandale Pegasus qui ébranle les relations entre l’Espagne et le Maroc. Le journal espagnol « Ok Diario » a levé le voile sur le rôle présumé d’Abdellatif Hammouchi, patron des services de renseignement marocains et proche du roi Mohammed VI, dans l’orchestration d’une vaste opération d’espionnage visant le sommet de l’État espagnol en 2022.

Le scandale a pris une ampleur considérable après la découverte par le Centre national de renseignements espagnol d’intrusions du logiciel espion Pegasus dans les téléphones de plusieurs hauts responsables, dont le Premier ministre Pedro Sánchez, la ministre de la Défense Margarita Robles et le ministre de l’Intérieur Fernando Grande-Marlaska. Ce logiciel sophistiqué permet une surveillance totale de l’appareil infecté, incluant l’activation à distance du microphone et de la caméra, ainsi que la géolocalisation en temps réel.

Ces accusations interviennent après qu’une commission d’enquête du Parlement européen a déjà identifié en 2023 la « possible » responsabilité du Maroc dans cette affaire. La mise en cause directe de Hammouchi, qui dirige à la fois la sûreté nationale (DGSN) et le renseignement intérieur (DGST), donne une nouvelle dimension à ce scandale diplomatique. Son nom n’est d’ailleurs pas inconnu de la justice internationale : en 2014, il avait été convoqué par la justice française dans une affaire d’enlèvement et de torture d’un citoyen franco-marocain dans le centre de détention secret de Témara, échappant aux poursuites grâce à son immunité diplomatique.

Face aux investigations journalistiques, Rabat a déployé une stratégie d’intimidation judiciaire, comme l’illustre le cas du journaliste Ignacio Cembrero, régulièrement ciblé par des poursuites marocaines. Ces tentatives d’étouffement ont cependant échoué, comme en témoigne le rejet récent par le tribunal provincial de Madrid d’une plainte du Maroc contre ce journaliste.

Cette affaire d’espionnage s’inscrit dans un schéma plus large de pressions exercées par le Maroc sur les responsables européens, particulièrement autour de dossiers sensibles comme celui du Sahara occidental. Les investigations de la presse occidentale ont mis en lumière l’existence d’un réseau complexe de lobbying et d’influence piloté par les services marocains.

Ces révélations soulèvent des questions cruciales sur la nature des relations euro-marocaines et la confiance possible envers un partenaire qui utilise des méthodes d’espionnage contre ses alliés. Le scandale Pegasus apparaît désormais comme le symptôme d’une diplomatie marocaine prête à employer tous les moyens pour parvenir à ses fins, y compris la surveillance électronique de dirigeants étrangers au plus haut niveau. A.B

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